retours sur les Perspectives culturelles 2018

Café-rencontre avec Bernard Lubat le 30 octobre

pour distinguer « musique à vivre » et « musique industrielle » et faire part de ses doutes. Avec en prime, quelques improvisations…

 

 

« Mytho dit vrai » au Rocher de Palmer le 3 octobre dans le cadre de la journée « Tous au Rocher » . INFERNO en a parlé (voir ci-dessous)

A LA UNE D’INFERNO #38 :  « MYTHO DIT VRAI », UN ORATORIO PUISSANT DE FRAGILITE

« Mytho dit vrai », écriture et mise en scène Arnaud Poujol, écriture et interprétation Patients du CATTP de Lormont, d’après notamment des textes de Philippe Minyana (« Les chambres »), de Bernard-Marie Koltès (« Roberto Zucco »), et d’Arnaud Poujol ( « ODA matériau »). Rocher de Palmer à Bordeaux, mercredi 3 octobre.

« Mytho dit vrai », un oratorio puissant de fragilité

Donner la parole au travers de celle des autres, non pas pour en dupliquer l’écho mais pour s’en saisir avec une duplicité jouissive dans un acte performatif spectaculaire et libératoire, c’est là le cœur du nouveau projet mené par Arnaud Poujol et les pensionnaires du Centre hospitalier de Cadillac spécialisé dans la prise en charge de la maladie mentale. Une expérience immersive dans la parole et la geste théâtrales qui plonge chacun et chacune dans un ailleurs, à la fois étranger et familier, comme l’émergence une voix du dedans venue des profondeurs de l’intime. Expérience personnelle et théâtrale qui ne laisse aucunement indemne (acteurs et spectateurs communiant dans le même trip) et dont le « metteur en l’autre scène », Arnaud Poujol, se fait – là encore – le catalyseur omniprésent, discret deus ex machina humblement humain. Quant au musicien complice, Benjamin Ducroq, il accompagne fidèlement de ses accords égrenés la parole en effervescence.

C’est aux accents de « La Passion selon Saint Jean » de Johann Sebastian Bach que s’ouvre cet oratorio dépouillé de tout décor si ce n’est la présence obsédante de ces actrices et acteurs qu’une caméra disposée au ras du plateau filme en perspective pour en proposer un écho décuplé projeté en fond de scène. Fruit du travail d’écriture du Centre d’Activités Thérapeutiques à Temps Partiel (Cattp) « Les Iris », antenne de Cadillac, un montage d’un traité d’ornithologie, d’un poème d’Hölderlin – dont, faut-il le rappeler, d’aucuns originent « la folie » de son retour des terres bordelaises où il séjourna un temps – et du « Livre de la Genèse », est projeté in vivo au travers de la voix vibrante d’émotions de comédiennes et comédiens faisant délibérément leur(re) les mots qui leur parlent avant de nous parler.

Suivront d’autres montages mêlant les récits intimes empruntés à Philippe Minyana (« Les chambres ») et à Bernard-Marie Koltès (« Roberto Zucco »), aux fulgurances mythologiques d’« ODA matériau », pièce puissante du metteur en scène (les éditions Moires, 2015). Des personnages dans l’excès qui nous percutent tant leur fragilité exacerbée vient rencontrer nos lignes de faille soigneusement corsetées sous le vernis civilisationnel.

On n’est pas près d’oublier résonner en nous la voix de la femme assise, obsédée par le souvenir en boucle d’une tapisserie, nœud de cristallisation de sa « bascule » dans un ailleurs qui dorénavant abrite son monde, celle de cette autre femme jugée incapable de s’occuper de son nourrisson et qui jettera par la fenêtre son Lulu pour que personne n’ait droit sur lui, celle de cette autre encore qui confie avec une audace mutine que, si son mari elle ne l’aimait pas, il n’en allait pas de même du père de ce dernier qu’elle trouvait fort « vigoureux », ou bien de cette belle jeune femme abandonnique qui questionne un père désespérément absent jusqu’à la fin des jours. Pas plus que l’on oubliera la voix pathétique de ce vieil homme, attendant sur un quai de métro déserté par le désir, perdu dans des pensées désormais sans nul repère, ou encore la rage destructrice de cet autre jeune homme « comme il faut », étudiant invisible à La Sorbonne qui sent battre dans ses veines le « Je suis sang » de Jan Fabre.

Cette galerie intime de personnages réincarnés par le biais d’actrices et acteurs – émouvants jusque dans leur fragilité exposée et leurs ratés prenant statut de lapsus – qui se saisissent de leur rôle comme d’un viatique pour recomposer ce passé qui n’arrête pas de passer en eux, a quelque chose à voir avec nos fragiles destinées humaines. C’est pourquoi nous les « ressentons » comme des moments de vérité essentielle auxquels seul le théâtre – du grec theatron « le lieu d’où l’on regarde » – peut donner accès, en nous ouvrant grand les portes de l’autre scène.

Yves Kafka

Temps de résidence au Rocher de Palmer saison 18/19 – Sortie d’étape 3 octobre 2018 au Rocher de Palmer

Photo Soraya Hocine