La Brève Juridique
du Centre Hospitalier de Cadillac

2E SEMESTRE 2019

 

 

FOCUS :

Le consentement aux soins en psychiatrie

 

 

Principe de consentement

 

Selon le code de la santé publique, le principe est que le patient prend avec les professionnels de santé, et compte tenu des informations fournies, les décisions relatives à sa santé. Le patient est seul décisionnaire, après avoir reçu toutes les informations nécessaires. Ne seront pas traités dans cette note les situations spécifiques des mineurs et des majeurs sous mesure de protection. Le consentement doit être réitéré pour chaque acte de soin.

 

Pour être valable, le consentement doit répondre à deux critères :

·         le consentement doit être « éclairé », c'est-à-dire précédé par une information sur les soins et les traitements dont le patient va bénéficier, ainsi que des risques fréquents ou graves normalement prévisibles et des conséquences éventuelles que ceux-ci pourraient entraîner (article L. 1111-2 du Code de la santé publique). L’information doit en outre être claire, loyale, appropriée.

 

·         le consentement doit également être « libre », c’est-à-dire obtenu en l’absence de contrainte.

 

Il faut opérer ici une distinction entre les soins libres et les soins sans consentements.

Dans le cadre de soins libres, le patient consent à son hospitalisation et aux soins, il possède le plein exercice de ses libertés individuelles. Il peut quitter l’établissement de son plein gré.

Pour ce qui est des soins sans consentements, ils permettent de dispenser les soins nécessaires aux patients qui n’ont pas conscience de leurs troubles mentaux ni de leur besoin impératif de soins. Cependant, même dans le cadre d’une mesure de soins sans consentement, le principe reste celui d’une recherche systématique du consentement aux soins.

 

Forme du consentement

 

Sauf dans certains cas prévus par la loi (certains prélèvements, recherche biomédicale…), la loi n’impose pas le recueil d’un consentement par écrit.

Cependant, la charge de la preuve pèse sur les établissements de soins en cas de contrôle judiciaire, ce qui amène à la multiplication du consentement écrit comme sécurité juridique. Effectivement, un arrêt rendu le 16 février 2017 par la Cour administrative d’appel de Paris énonce qu’il appartient à l'établissement hospitalier d'établir l'existence de ce consentement éclairé. A défaut de recueil du consentement sur un formulaire écrit, il est donc particulièrement recommandé de reporter dans le dossier du patient la mention du recueil du consentement oral du patient pour tout acte ou intervention médicale.

 

Restriction au principe de consentement

 

Si le patient demeure libre de choisir d’être traité, cela ne signifie pas qu’il choisit son traitement. Dans deux ordonnances de référé-liberté (CE 26 juillet 2017 & CE 27 juillet 2018), le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rappeler que l’article L.1111-4 du CSP n’a pas consacré au profit du patient un droit de choisir son traitement. Il n’y a pas de codécision médicale.  Le droit d’accepter son traitement ne signifie pas le droit de choisir son traitement.

 

Exception au principe de consentement

 

Deux exceptions au principe du consentement : l’urgence ou l’impossibilité (1), et les soins sans consentement (2).

 

1)     Urgence ou impossibilité (article L1111-4 du CSP

 

L’article L1111-4 CSP prévoit que les situations d’urgence ou d’impossibilité de recueillir le consentement permettent de se passer du consentement du patient, mais cette hypothèse est conditionnée au respect de deux critères cumulatifs :

-       D’une part, la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté

-       D’autre part, l’avis de la personne de confiance, ou sa famille, ou à défaut un proche a été recueilli.

 

La loi du 2 février 2016 a complété l’article L1111-4 du CSP concernant la fin de vie. Si la personne est hors d’état d’exprimer la volonté, il faut se fier aux directives anticipées ou à la personne de confiance. S’il n’y en a pas, la famille est consultée et les médecins doivent tout faire pour rechercher la volonté de la personne. Dans tous les cas, la décision d’arrêt des traitements ne peut être prise qu’au terme d’une procédure collégiale.

 

A contrario, si la personne est en état d’exprimer sa volonté, la condition d’urgence ne peut à elle seule justifier d’imposer des soins. La question est donc de savoir si le patient a le droit de refuser les soins lorsque ce refus met en jeu son pronostic vital. L’article L.1111-45 du CSP y répond favorablement en précisant que « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement ». Dans ce cas, le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par ce refus, elle met sa vie en danger, elle doit réitérer sa position dans un « délai raisonnable ». Il peut lui être proposé de faire appel à un autre membre du corps médical.

La charte de la personne hospitalisée, annexée à la circulaire du 2 mars 2006, ajoute que « le devoir d’assistance du médecin doit l’emporter sur le refus de soins dans les situations d’urgence où le pronostic vital est engagé, dès lors que le patient n’a pas disposé d’un délai minimum pour réitérer, en toute connaissance de cause, sa volonté ».

 

2)     Soins imposés dans le cadre d’une mesure d’hospitalisation sans consentement (article L3211-3 du CSP)

 

Dans le cadre d’une mesure de soins sans consentement, l’adhésion du patient à la thérapeutique proposée et son consentement sont toujours recherchés. Néanmoins, la loi prévoit la possibilité de restreindre certains droits liés à l’exercice des libertés individuelles (art. L3211-3 CSP), dont le droit au consentement aux soins est une composante. Des conditions sont posées : les restrictions doivent être « nécessaires, adaptées et proportionnées ».

En revanche, si le patient en pris en charge sous forme d’un programme de soins, aucune mesure de restriction de ne peut être imposée, il y a donc impossibilité de contraindre à la prise du traitement dans ce cadre (art. L3211-2-1 III CSP). 

 

En cas de refus de soins ou de traitement exprimé par le patient, la possibilité de passer outre son consentement doit être étudiée avec prudence par le médecin. Les établissements peuvent utilement déterminer des critères pour encadrer ces pratiques. Par ailleurs, il est fortement recommandé de tracer au dossier du patient toute administration de traitement sous la contrainte ainsi que les conditions de sa réalisation.

 

 

Actualité Documentaire

 

Rapport du CGLPL du 14 octobre 2019 relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux

 

Ce rapport est axé sur les différentes carences dans la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux constatées par le contrôleur, qui estime que les pathologies mentales affectant les personnes détenues sont mal connues, et que les lieux de détention sont inadaptés pour une prise en charge médicale efficace.

Bien que les UHSA soient considérées comme un moyen pertinent d’endiguer ces problèmes, le CGLPL considère qu’ils sont trop peu nombreux et inégalement répartis sur le territoire.

Le CGLPL invite les services pénitentiaires à garantir la continuité de la situation administrative des détenus en UHSA et à y préserver des conditions de détention et de visite favorables (parloirs, activités, cantines…). Le CGLPL interpelle également sur l’illégalité des transports sanitaires sous contention systématiques.

 

Rapport du CGLPL du 11 décembre 2019 relatif aux violences interpersonnelles dans les lieux de privation de liberté

 

Ce rapport traite des violences interpersonnelles qui ont lieu au sein des lieux de privation de liberté. L’enfermement est propice aux comportements violents, du fait de l’agencement des locaux (promiscuité, surpopulation), de l’absence de maitrise des relations (usage de la force, incompréhension, prises de toxiques) ou encore du manque de formation des professionnels.

Le CGLPL estime que les violences y sont insuffisamment répertoriées et analysées. Des obstacles empêchent leur prise en compte (peur de représailles, personnel frileux à répertorier les cas).

Le CGLPL propose de grands axes pour prévenir ces violences : mieux associer les personnes privées de liberté à leur prise en charge, renforcer l’humanisation de la prise en charge et l’accès à des activités, et former les professionnels.

 

Rapport du CGLPL du 3 février 2019 relatif à la nuit dans les lieux de privation de liberté

 

Ce rapport analyse les nuits dans les lieux de privation de liberté, où les droits fondamentaux des personnes privées de libertés sont singulièrement mis à l’épreuve. Le droit au repos est souvent perturbé par les conditions matérielles d’hébergement (literie sale et inadaptée, lumière, température). A cela s’ajoute une intimité mise à mal, une difficulté à satisfaire des besoins physiologiques, ou encore l’impossibilité de maintenir des liens avec le monde extérieur. Cela engendre donc des nuits particulièrement anxiogènes, où les personnes peuvent demeurer sans protection, sans surveillance, sans accès aux soins.

Pour finir, la sécurité juridique est affaiblie la nuit à cause de prise de décision toujours dans l’urgence, et donc moins bien fondées.

S’appuyant sur différents constats, le CGLPL dresse une liste de recommandations pour chaque situation.

 

 

Veille législative & réglementaire

 

Loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé

 

Cette loi ajoute un article L. 1110-4-2 au Code de la santé publique, qui met en place une procédure de certification pour le traitement des données, leur conservation sur un support informatique et leur transmission par voie électronique

Elle ajoute également un article L. 1110-4-2 au même Code, créant ainsi un espace numérique de santé « permettant au patient de gérer ses données de santé et de participer à la construction de son parcours de santé ».

Enfin, le nouvel article L. 1111-14 est modifié de façon minime, notamment sur le dossier médical partagé et le médecin du travail.

 

Décret n°2019-1506 du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la Sécurité sociale.

 

L’article 3 de ce décret supprime l’expertise médicale technique prévue dans certains cas (par exemple, pour la contestation dans le cadre du travail temporaire, ou la contestation d’ordre médical soumises à la procédure prévue par les articles R143-6 à R143-14 du Code de la Sécurité sociale).

Il unifie les procédures de contestation des décisions de nature médicale.

 

Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice

 

La loi du 23 mars 2019 a apporté des modifications dans le système judiciaire français ; deux sont à noter qui s’appliquent à compter du 1er janvier 2020 :

 

1)     La création d’un tribunal judiciaire (TJ)

 

Les « tribunaux judiciaires » remplacent les tribunaux d'instance (TI) et les tribunaux de grande instance (TGI) qui fusionnent.

 

Les articles L. 211-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire viennent encadrer cette nouvelle entité. Ainsi, l’article L. 211-1 prévoit que « le tribunal judiciaire statue en première instance en matière civile et pénale. Lorsqu'il statue en matière pénale, il est dénommé tribunal correctionnel ou tribunal de police ».

 

2)     La mise en place du juge des contentieux et de la protection 

 

Au sein du tribunal judiciaire, un ou plusieurs juges exerceront les fonctions de « juge des contentieux de la protection ».

Les missions du juge des contentieux de la protection seront notamment les suivantes :

·         il exercera les fonctions de juge des tutelles des majeurs,

·         il connaîtra des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles sans droit ni titre, et des actions en lien avec l'occupation d'un logement

·         il connaîtra des actions dans le cadre d'un recours au crédit à la consommation et des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers

 

 

 

 

Veille jurisprudentielle

 

Conseil d’Etat, 24 juillet 2019

 

Le Conseil d’Etat statue ici sur la question de savoir quel est le juge compétent pour connaître d’une action tendant à l’anéantissement rétroactif d’une mesure de soins sans consentement qui a fait l’objet d’une mainlevée.

Cette question a été renvoyée devant le Tribunal des conflits qui a statué le 9 décembre 2019 pour en conférer la compétence au Juge judiciaire.

 

TGI de Versailles, 26 septembre 2019

 

Le juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée de la mesure de soin sans consentement d’un patient au motif d’une atteinte à sa dignité. Ce dernier avait été présenté en audience en pyjama et quasiment pieds nus.

 

Conseil d’Etat, 4 octobre 2019

 

Le Conseil d’Etat rejette le recours en annulation contre le décret n°2018-383 du 23 mai 2018 autorisant le traitement de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatrique sans consentement (nommé « HOPSYWEB »). Ce traitement est légal et autorisé. En revanche, le Conseil d’Etat annule une partie de l’article 1er du décret car il ne prévoit pas la pseudonymisation des données utilisées par le ministère et la CDSP.

 

Conseil d’Etat, 4 octobre 2019

 

Le Conseil d’Etat estime que le fait, pour un médecin, d’adresser aux autorités de police le certificat médical qu’il avait rédigé en vue de l’admission en soins sans consentement d’un patient ne va pas à l’encontre du respect du secret des informations le concernant. De facto, l’obligation de secret professionnel qui incombe au médecin n’est pas méconnue.

 

Cour de cassation, 17 octobre 2019

 

La Cour de cassation confirme l’irrégularité d’une mesure SDRE insuffisamment motivée et indemnise le patient du fait de la privation de sa liberté d’aller et venir qu’il a subi durant une période de quatre mois. A ce titre, l’indemnisation s’élève à 51 000€, à laquelle s’ajoute 1000€ pour la prise d’un traitement médical lourd sous contrainte.

Enfin, l’épouse du patient est également indemnisée à hauteur de 3 000€ pour le préjudice moral causé.

 

Cour de cassation, 22 octobre 2019

 

Un patient hospitalisé pour psychose délirante chronique bénéficiait d’une permission de sortie dans le parc de l’hôpital, non clos. Il s’est alors rendu au centre-ville de Grenoble et a tué un passant. L'homme ayant été déclaré irresponsable, la famille de la victime engageait une poursuite contre le psychiatre ayant autorisé la sortie du patient.

La Cour de cassation confirme la faute caractérisée du psychiatre, du fait de s’être abstenu d’approfondir le parcours et le profil du patient avant d’autoriser sa sortie. Elle retient en effet qu’il « a crée ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter ».

Ces pourquoi la faute du médecin est retenue, de même qu’un lien de causalité certain entre cette faute et le décès du jeune isérois.

 

Cour de cassation, 7 novembre 2019

 

Sur un sujet très attendu, la Cour de cassation expose que les mesures d’isolement sont des mesures de nature médicale, distinctes de la procédure de soins sans consentement, elles échappent donc au contrôle du juge des libertés et de la détention.

A ce titre, une QPC a été formulée par le TGI de Versailles le 6 décembre 2019.

 

Cour de cassation, 20 novembre 2019

 

La Cour indique que la date et l’heure du début d’une admission en soin sans consentement est fixée dès la décision d’admission, quel que soit le lieu de prise en charge. La légalité des certificats des 24 et 72 heures est donc conditionnée par cette décision d’admission. Le fait que le patient soit effectivement hospitalisé à cette date est un critère implicite dans cet arrêt.

 

Cour de cassation, 4 décembre 2019

 

La Cour casse l’arrêt de la cour d’appel qui ordonnait la mainlevée de la mesure de soins sans consentement d’un patient reconnu irresponsable pénalement, en fuite depuis trois ans. Malgré le contexte, le Cour rappelle que la mainlevée de la mesure ne peut être prononcée qu’après avoir recueilli deux expertises de psychiatres inscrits sur les listes d’expert.

 

Cour de cassation, 5 décembre 2019

 

La Cour de cassation reconnaît dans cette décision la violation des droits fondamentaux du patient lorsque le certificat d’admission en cas de péril imminent a été établi par un praticien hospitalier dépendant de la même direction hospitalière que celle ayant décidé de l’hospitalisation.                                                        

 

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  Direction de la publication :
Marie-Pierre RENON, directrice déléguée
Rédaction : Florence HITIER - BRANDEL, juriste

Alizée GUIDEVAUX (stagiaire)


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