Dispositif relatif au régime des décisions prises en
matière de santé à l’égard des personnes majeures faisant l’objet
d’une mesure de protection juridique
Le
cadre légal des décisions de santé pour les personnes protégées a
été modifié par l’ordonnance
n°2020-232 du 11 mars 2020 entrée en vigueur
le 1er octobre 2020. Il vise à harmoniser les règles en matière
médicale entre le code civil, le code de la santé publique et le
code de l’action sociale et des familles. De façon générale,
l’autonomie du majeur protégé à l’égard de son mandataire est
renforcée, pour les décisions prises dans sa sphère personnelle.
La
connaissance du type exact de mesure de protection, par les
établissements de santé qui prennent en charge des majeurs
protégés, devient primordiale. Ainsi, pour appliquer correctement
le nouveau dispositif, il est indispensable d’avoir les
informations suivantes :
-
savoir si le mandataire nommé assure ou non une mission de
protection de la personne, par opposition à une simple mesure
de protection des biens,
-
dans le premier cas, savoir s’il assure une mission d’assistance
ou bien de représentation de la personne.
·
Sur le droit à
l’information concernant la santé
:
La
personne protégée doit être informée « en première
intention », quelle que soit la mesure de protection dont elle
fait l’objet, d’une manière adaptée à leur capacité de
compréhension. Le mandataire est également informé s’il est chargé
d’une mesure avec représentation relative à la personne. S’il n’est
chargé que d’une mesure d’assistance à la personne (par exemple,
curatelle), il n’est informé que si le majeur protégé y consent
expressément. S’il n’a pas de mission de protection de la personne,
son information concernant la santé de son protégé n’a pas lieu
d’être.
L’accès
au dossier est exercé par le patient lui-même. Son mandataire
assurant une mesure de protection avec représentation relative à la
personne peut exercer le même droit. En cas de mesure avec
assistance, l’accès du mandataire ne peut avoir lieu qu’avec
l’accord exprès du majeur protégé.
·
Sur le droit au
consentement aux soins :
Le
consentement aux soins du majeur protégé avec représentation
relative à la personne ne doit plus simplement être recherché mais
il doit être obtenu, s’il est apte à exprimer sa volonté, au besoin
avec l'assistance du mandataire.
Ça
n’est que lorsqu’il n’est pas apte à exprimer sa volonté de façon
éclairée que le mandataire consent aux soins à sa place, en tenant
compte de l’avis exprimé par la personne protégée dans la mesure du
possible.
Il
en est de même pour la mise en œuvre d’un programme d’éducation thérapeutique
(ETP).
Le
majeur protégé et son mandataire assurant une mesure de protection
avec représentation relative à la personne peuvent tous deux
exercer le droit d’opposition à l’ouverture du dossier médical
partagé et reçoivent tous deux les informations à cet effet. La
décision d’inaccessibilité à certaines informations du DMP est
exercée par le mandataire lorsque le majeur n’est pas apte à
exprimer sa volonté. Le même dispositif s’appliquera pour le futur
espace numérique de santé à compter du 1er janvier 2022.
·
Sur la désignation
d’une personne de confiance :
Le
majeur protégé faisant l’objet d’une mesure de tutelle aux biens
uniquement n’a plus besoin de l’autorisation du juge des tutelles
ou du conseil de famille pour pouvoir désigner une personne de
confiance. Seuls les majeurs faisant l’objet d’une mesure avec
représentation relative à la personne y sont soumis.
·
Sur les
particularités relatives aux soins en psychiatrie :
Les
soins psychiatriques font l’objet d’un traitement dérogatoire par
rapport aux soins généraux.
Ainsi,
les majeurs protégés avec représentation relative à la personne
continuent d’avoir besoin du consentement de leur mandataire pour
faire l’objet d’une admission en soins psychiatriques libres. Les
autres majeurs consentent seuls.
Parmi
les mandataires, seuls ceux chargés d’une mesure de protection
juridique à la personne peuvent désormais faire une demande de
tiers dans le cadre de leurs fonctions (assistance ou
représentation). Ils doivent fournir à l’appui de leur demande le
mandat de protection future visé par un greffier ou un extrait du
jugement. Il revient donc aux établissement de contrôler que la
mission dévolue au mandataire comporte bien la protection de la
personne et pas seulement celle des biens.
Enfin,
le juge des libertés et de la détention ne peut être saisi par un
mandataire, dans le cadre de ses fonctions, que s’il est chargé
d’une mesure de protection juridique relative à la personne. Ceci
s’applique tant pour contester une mesure de soins sans consentement
que pour contester une mesure d’isolement et/ou de contention.
Dispositif visant à protéger les personnes victimes
de violences conjugales : impact sur le secret médical et le secret
professionnel
La
loi
n° 2020-936 du 30 juillet 2020 instaure
un dispositif de protection renforcée à l’égard des personnes
victimes de violences conjugales et prévoit notamment un nouveau
motif de levée du secret médical afin de permettre aux professionnels
de santé, en cas de violences conjugales, de signaler un danger
immédiat pour la victime, même sans son accord.
Jusque-là,
aux termes de l’article 226-14 du code pénal, un professionnel de
santé pouvait déroger au secret médical pour signaler au procureur
de la République ou à la cellule de recueil, de traitement et
d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs
en danger ou qui risquent de l'être (CRIP) des faits de violences,
à condition de recueillir l’accord de la victime. Cet accord
n’était pas nécessaire lorsque la victime était un mineur ou une
personne n’étant pas en mesure de se protéger en raison de son âge
ou de son incapacité physique ou psychique.
L’article
12 de la loi du 30 juillet 2020 a modifié l’article 226-14 du code
pénal en précisant que le secret médical ne s’applique pas
« (…) 3° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé
qui porte à la connaissance du procureur de la République une
information relative à des violences exercées au sein du couple relevant
de l'article 132-80 du présent code, lorsqu'il estime en conscience
que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger
immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en
raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par
l'auteur des violences. Le médecin ou le professionnel de santé
doit s'efforcer d'obtenir l'accord de la victime majeure ; en cas
d'impossibilité d'obtenir cet accord, il doit l'informer du
signalement fait au procureur de la République ».
Ainsi,
il est désormais possible, mais non obligatoire, pour tous les
professionnels de santé (c’est-à-dire pour toutes les personnes
appartenant à une profession régie par la quatrième partie du code
de la santé publique) de signaler sans l’accord de la victime les
faits de violences conjugales, lorsque certaines conditions sont
réunies.
Sont
ici visées les violences commises par le conjoint, le concubin ou
le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y
compris lorsqu'ils ne cohabitent pas.
Ces
conditions cumulatives sont au nombre de trois :
–
il existe un danger immédiat pour la vie de la victime ;
–
la victime n’est pas en mesure de se protéger en raison de la
contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des
violences ;
–
le médecin doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime.
Lorsque
ces trois conditions sont réunies, le professionnel de santé peut
signaler les faits au procureur de la République et
uniquement à lui. S’il n’a pas obtenu l’accord de la victime, il
doit l’informer de ce signalement.
Le
ministère de la justice, en partenariat avec le Conseil national de
l’ordre des médecins et la Haute autorité de santé, a édité un vadémécum
intitulé « Secret médical et violences au sein du
couple » afin d’accompagner les
professionnels de santé dans la mise en place de cette nouvelle
loi.
Le
décret n° 2020-1640 du 21 décembre 2020 complète le dispositif et
apporte des précisions en matière d’information des victimes et de
modalités pour faire valoir leurs droits.
Dispositif introduisant un contrôle par le juge des
libertés et de la détention des mesures d’isolement et de
contention
En
réponse à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil
constitutionnel a rendu une décision importante n°2020-844 le
19 juin 2020 imposant
au législateur de fixer une limite et de prévoir les conditions
dans lesquelles au-delà d'une certaine durée, le maintien des
mesures d’isolement et de contention sont soumises au contrôle du
juge judiciaire, considérant que toute privation de liberté doit
être placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Il fixe un
délai maximum au 1er janvier 2021 pour que de nouvelles
dispositions législatives soient prises.
Ainsi,
l’article
84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020
de financement de la sécurité sociale pour 2021 instaure à compter
du 1er janvier 2021 un contrôle des mesures d’isolement
et de contention par le juge des libertés et de la détention, selon
les modalités principales suivantes :
·
Fixation de
limites légales aux durées des mesures d’isolement et de contention :
inspirées des recommandations de la HAS de
2017, la durée initiale des mesures est de 12h pour l’isolement, 6h
pour la contention. Les durées de renouvellement sont en revanche
raccourcies, elles sont désormais de même durée que la durée
initiale, et sont limitées à une durée totale de 48h pour l’isolement,
24h pour la contention. Au-delà de ces
durées de quarante-huit heures pour l’isolement et vingt-quatre
heures pour la contention, un nouveau renouvellement de la mesure
ne peut intervenir qu’à titre exceptionnel et il impose que le
médecin en informe d’une part le juge, d’autre part le patient et
certains proches de leur droit de saisir le juge et des modalités.
Des règles de cumul sont prévues pour le calcul des durées.
·
Introduction d’un
contrôle facultatif du JLD, sur saisine du patient ou d’un proche
ou sur saisine d’office :
Le JLD peut être saisi aux fins de
mainlevée des mesures d’isolement et de contention lorsque ces
mesures ont été renouvelées à titre exceptionnel au-delà des durées
de 48h pour l’isolement, 24h pour la contention.
Le juge statue dans un délai de
24h, par principe selon une procédure écrite. Le patient ou, le cas
échéant, le demandeur, peut demander à être entendu, auquel cas
cette audition est de droit, sous réserve, s’agissant du patient,
d’un avis médical y faisant obstacle. L’audition a lieu par un
moyen de communication audiovisuelle, ou en cas d’impossibilité,
par téléphone. S’il l’estime nécessaire, le JLD peut tenir une
audience.
La
loi reste à ce jour en attente de décret d’application et
d’instruction, cependant elle a été déclarée applicable par le
ministère de la santé.
|