La Brève Juridique
du Centre Hospitalier de Cadillac

2ème SEMESTRE 2018

 

 

FOCUS : La réintégration des patients en hospitalisation complète

 

 

Plusieurs textes sont à concilier pour comprendre comment sont déterminées les modalités de réintégration des patients faisant l’objet d’une mesure de soins sans consentement en hospitalisation complète, après un programme de soins.

Tout d’abord, l’article L.3221-5-1 du code de la santé publique précise que « dans chaque territoire de santé, l'agence régionale de santé organise un dispositif de réponse aux urgences psychiatriques en relation avec les services d'aide médicale urgente, les services départementaux d'incendie et de secours, les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale, les établissements mentionnés à l'article L. 3222-1, les groupements de psychiatres libéraux et les personnes mentionnées à l'article L. 6312-2.

Ce dispositif a pour objet de faire assurer aux personnes atteintes de troubles mentaux, en quelque endroit qu'elles se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état et, le cas échéant, de faire assurer leur transport vers un établissement de santé mentionné à l'article L. 3222-1, notamment en cas de nécessité de retour en hospitalisation complète dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 3211-11. »

Selon les territoires, les réponses apportées peuvent donc différer, reposant tantôt sur un dispositif coordonné de plusieurs intervenants des urgences, tantôt sur les seuls établissements hospitaliers qui doivent articuler leurs interventions avec les forces de l’ordre. Les transporteurs privés sont également parfois associés au dispositif. Rares sont les régions où les dispositifs sont organisés sur le plan régional par les autorités sanitaires. En Gironde, les autorités sanitaires considèrent de façon historique que cette mission revient aux établissements habilités en psychiatrie pour les admissions en SDRE et pour les réintégrations en SDRE et SDT.

Par ailleurs, l’article L3211-3 CSP prévoit que « lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. »

En conséquence, les moyens de contraintes mobilisables en cas de réintégration en hospitalisation complète sont les mêmes que ceux dont les professionnels de santé peuvent user pendant l’hospitalisation, dès lors que le patient est sous la forme de prise en charge qualifiée « d’hospitalisation complète ». Cela suppose, en particulier pour les patients en soins sur décision du représentant de l’Etat, que l’arrêté prononçant la réadmission en hospitalisation complète, ait été pris.

A contrario, aucun moyen de contrainte ne peut être utilisé à l’égard d’un patient en programme de soins, y compris si ce programme de soin comporte des séjours hospitaliers. En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 avril 2012 énonce qu’ « aucune mesure de contrainte à l’égard d’une personne prise en charge dans les conditions prévues par le 2° de l’article L.3211-2-1 [programme de soins] ne peut être mise en œuvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète »

Les moyens de contrainte susceptibles d’être utilisés sont ceux qui sont autorisés dans le cadre de la pratique soignante, c’est-à-dire la contention physique ou la contention mécanique, dans le respect des textes, recommandations et protocoles applicables à ce sujet. Ces moyens ne peuvent être utilisés que s’ils sont nécessaires et de façon adaptée et proportionnée à l’état mental.

Concernant les lieux à partir desquels une réintégration peut être organisée, l’article L.3221-5-1 du code de la santé publique précise  que le dispositif doit permettre de faire assurer les soins et le transport « en quelque endroit [que les patients] se trouvent ». Il convient donc d’en retenir une interprétation large, et de considérer que le dispositif s’applique également à tous les lieux publics dans lesquels se situerait le patient. Une limite doit cependant être prise en compte : l’accès au domicile du patient contre sa volonté porte atteinte au droit au respect de la vie privée constitutionnellement garanti  par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 27 août 1789. Les établissements hospitaliers chargés d’organiser les réintégrations en hospitalisation complète des patients sous mesure de soins sans consentement ne peuvent donc contraindre un patient à réintégrer une unité de soins que dès lors qu’il a accepté de sortir de son domicile, ou qu’il y a été forcé par les autorités habilitées. Il faut à cet égard noter que les pompiers ou les forces de l’ordre auront les mêmes réticences pour pénétrer dans un domicile privé et ne le feront qu’en cas d’urgence vitale (pompiers) ou de mise en danger avérée d’autrui (forces de l’ordre).

 

 

Actualité Documentaire

 

 

Rapport du Sénat au nom de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés « UNE ADOLESCENCE ENTRE LES MURS », déposé le 25 septembre 2018

Si elle s’est principalement intéressée à l’enfermement décidé par la justice des mineurs à l’encontre de jeunes délinquants, elle n’a pas négligé la question de l’enfermement psychiatrique qui poursuit un objectif thérapeutique.

La mission met en garde contre le risque d’une banalisation de l’enfermement et formule une douzaine de recommandations. Concernant l’enfermement psychiatrique, la mission a concentré son analyse sur le cadre juridique de l’hospitalisation complète des mineurs, qui gagnerait à être entouré de plus de garanties selon le rapporteur de la mission, dans un contexte de crise de la pédopsychiatrie ne permettant pas toujours d’assurer la séparation entre majeurs et mineurs pourtant recommandée par les autorités scientifiques.

 

 

Veille législative & réglementaire

 

Loi n°2018-493 du 20 juin 2018 et  décret d’application n°2018-687 du 1er août 2018 sur la protection des données personnelles

Ces textes transposent en droit français la réglementation de l’union européenne et font évoluer la loi du 6 janvier 1978.

La création et le traitement de données personnelles (numéro d'identifiant, nom, adresse, numéro de téléphone, photo, adresse IP, etc.) sont soumis à des obligations destinées à protéger la vie privée et les libertés individuelles. De nouvelles obligations sont à la charge des entreprises, administrations, collectivités, associations ou autres organismes permettant d'accorder des droits plus étendus à leurs clients / usagers. Le régime des sanctions évolue également.

Le règlement s'applique à tous les traitements de données à caractère personnel, sauf exceptions (les fichiers de sécurité restent régis par les États et les traitements en matière pénale, par exemple).

Les personnes concernées par un traitement de données disposent d’un droit au consentement renforcé et à la transparence, d’un droit à la portabilité des données, d’un droit à l'oubli, d’un droit à notification, d’un droit à réparation du dommage matériel ou moral (éventuellement dans le cadre d’une action de groupe).

 

Décret n°2018-772 du 4 septembre 2018 désignant les tribunaux de grande instance et cours d'appel compétents en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale et d'admission à l'aide sociale

Ce décret unifie le contentieux général de la sécurité sociale, le contentieux technique de la sécurité sociale, et de l’admission à l’aide sociale auprès du TGI (par fusion et intégration des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) au sein d’un même pôle du TGI).

Le décret est applicable au 1er janvier 2019.

 

 

 

 

Veille jurisprudentielle

 

Conseil d’Etat, 16 mars 2018

Les mesures de sécurité mises en œuvre par l’administration pénitentiaire lors de l’extraction et du séjour dans un établissement hospitalier d’un détenu doivent, d’une part, être adaptées et proportionnées à la dangerosité du détenu et au risque d’évasion que présente chaque cas particulier, et, d’autre part, assurer en toute hypothèse  la confidentialité des relations entre les détenus et les médecins qu’ils consultent ainsi que la dignité du détenu.

 

Cour de cassation, 24 mai 2018

Le directeur du centre hospitalier est incompétent pour se pourvoir en cassation contre une décision du JLD à laquelle il n’est pas partie (mesure SDRE) , peu important la mise en cause de l’établissement dans la procédure et l’obligation d’exécution de la décision de mainlevée prononcée par le juge d’appel.

 

Cour d’appel de Grenoble, 15 mai 2018 n°17/00189

La cour d’appel confirme dans son arrêt le jugement de première instance qui avait condamné pénalement en 2016 un médecin psychiatre hospitalier du CH St Egrève, le considérant responsable d’un de ses patients dont il aurait sous-estimé la dangerosité en l’autorisant à sortir seul dans le parc de l’hôpital. Le patient avait ensuite fugué de l’hôpital puis poignardé un passant. Le psychiatre est condamné à 18 mois de prison avec sursis.

 

TGI de Lille, 21 septembre 2018

Le TGI de Lille engage pour faute la responsabilité civile d’un expert psychiatre à la suite d’un homicide volontaire commis par l’expertisé après sa libération conditionnelle, au motif que l’expert psychiatre  missionné par un juge d’application des peines pour évaluer la dangerosité et le risque de récidive à l’occasion d’une demande de libération conditionnelle n’a pas pris connaissance des antécédents d’un condamné et ne l’a pas mentionné dans son rapport. Toutefois, ce dernier n’a pas été condamné à payer les dommages-intérêts sollicités par les parents de la victime.

 

Cour administrative d’appel de Nancy, 26 juin 2018

La cour ne retient pas la responsabilité de l’établissement qui, malgré la connaissance d’une récente tentative de suicide, n’a pas conclu à l’existence d’un risque suicidaire et a donc pris des mesures de surveillance suffisantes. En outre, la cour estime que l’établissement n’était pas tenu de procéder au contrôle des affaires personnelles apportées au patient après son admission en soins libres, dès lors qu’il avait initialement retiré les objets à risque à l’admission.

 

Cour de cassation, 27 juin 2018

Une décision de renvoi du juge des libertés et de la détention ne le dispense pas de statuer sur la demande de mainlevée dans le délai de douze jours qui lui est imparti, quand bien même le report d’audience est demandé par le patient.

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Direction de la publication : Robert AFANYAN, directeur adjoint
Rédaction : Florence HITIER - BRANDEL, juriste



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