La Brève Juridique
du Centre Hospitalier de Cadillac

3ème TRIMESTRE 2016

 

FOCUS : Communication du Dossier Patient en Psychiatrie


L’un des objectifs majeurs de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a été de permettre aux patients un accès direct et rapide à leur dossier médical, et complète le droit du patient ou de son représentant légal d’être informé en toute transparence sur son état de santé.

L’hôpital est le dépositaire du dossier médical, il ne dispose d’aucun droit d’usage exclusif sur celui-ci.

En application de l’article L1111-7 du code de la santé publique, « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé […] à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».

L’article R1112-2 du code de la santé publique dresse une énumération du contenu minimum d’un dossier « médical » ; il faut entendre par dossier médical une conception large incluant « le dossier de soins infirmiers ou, à défaut, les informations relatives aux soins infirmiers » ainsi que « les informations relatives aux soins dispensés par les autres professionnels de santé ». Ainsi, les informations recueillies dans le dossier par l’ensemble des professionnels paramédicaux (infirmiers, kinésithérapeutes, diététiciens, orthophonistes, ergothérapeutes…) ainsi que les psychologues font partie intégrante du dossier communicable au patient ou à son représentant légal.

Les spécificités du droit d’accès en psychiatrie
 
La vulnérabilité particulière des patients soignés en psychiatrie ne justifie pas de restrictions au droit  du patient d’accéder à son dossier, qui conserve par principe son droit d’accès au dossier médical, quel que soit le régime légal de soins qui s’applique à lui.
Par exception, des aménagements sont cependant prévus par la loi, permettant d’imposer la présence d’un médecin à un patient afin de l’assister lors de la prise de connaissance des informations contenues dans le dossier.
Plusieurs conditions s’imposent alors :

  • Le patient fait ou a fait l’objet de soins psychiatriques sans consentement
  • L’obligation d’accès par l’intermédiaire d’un médecin ne peut être imposée qu’ « à titre exceptionnel et en cas de risques d’une particulière gravité », condition appréciée in concreto par le praticien. Cette mesure ne saurait donc avoir un caractère systématique.

Lorsque ces conditions sont réunies, le patient est invité à désigner un médecin de son choix, hospitalier ou libéral. En cas de refus, la CDSP est saisie et sera chargée d’arbitrer.

Les détenteurs du droit d’accès

Le droit d’accès au dossier médical est détenu par :

  • Le patient lui-même
  • Son ayant-droit en cas de décès du patient, pour l’un des trois motifs suivants : connaître les causes du décès, faire valoir un droit, défendre la mémoire du défunt. Les ayants-droits sont les héritiers du patient. Depuis la loi du 26 janvier 2016, l’accès au dossier d’une personne décédée par ses ayants-droits est également ouvert aux concubins et personnes pacsées. Seuls les éléments du dossier répondant au motif invoqué seront communiqués (sauf pour les mineurs décédés)
  • La personne ayant l’autorité parentale en cas de patient mineur. Le mineur ne dispose pas de droit d’accès à son dossier quant à lui. Il peut seulement s’opposer à ce que soient communiquées aux titulaires de l’autorité parentale les informations constituées dans le cadre de soins délivrés sans le consentement des parents.
  • Le mandataire judiciaire habilité en cas de patient sous mesure de protection. Depuis la loi du 26 janvier 2016, il ne s’agit plus de l’accès du seul tuteur, mais de l’accès du mandataire judiciaire (tuteur ou curateur), lorsqu’il est expressément habilité par le juge à représenter ou assister son protégé pour la réalisation d’actes relatifs à la personne (article 459 C.Civ). Cette habilitation devra désormais être vérifiée.
  • Toute personne bénéficiant d’un mandat écrit du patient


Les délais légaux

La communication doit être effectuée dans un délai de 8 jours. Ce délai est porté à deux mois pour les dossiers de plus de 5 ans (à compter de la date de constitution de l’information).

Les modalités d’accès

La communication peut s’effectuer, au choix du demandeur :
-    Soit par consultation sur place avec, le cas échéant, remise de copies de documents
-    Soit par l’envoi de copies des documents
Les frais de copie et d’envoi sont facturables.

Le régime des notes personnelles

Plusieurs dispositions contradictoires apparaissent au sein des textes applicables en la matière. L’article L1111-7 du code de la santé publique issu de la loi du 31 janvier 2007 consacre d’une part un droit d’accès à l’intégralité des informations de santé, à l’exception de celles concernant des tiers ou émanant de tiers. D’autre part, le décret du 7 mai 2012 prévoit dans l’article R4127-45-I du code de la santé publique que « les notes personnelles de médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles aux patients et aux tiers ».

Dans un avis du 19 mars 2015, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) est venue apporter une précision quant à la définition des « notes personnelles » non communicables. Elle considère que ne peuvent être qualifiée de personnelles des notes prises par un médecin exerçant en établissement de santé public ou privé dès lors que celles-ci sont détenues et conservées dans un dossier partagé par tous les professionnels qui concourent à la prise en charge du patient. En d’autres termes, seules sont personnelles, et donc non communicables, les notes conservées en d’autres lieux que dans le dossier papier ou informatisé du patient, ceci signifiant qu’elles ne sont pas destinées à être partagées ou communiquées.

En parallèle, le tribunal administratif de Melun, dans un jugement du 16 octobre 2015, a considéré que les notes manuscrites prises par un psychologue clinicien sont des documents qui font partie du dossier médical en tant qu’elles participent à l’élaboration d’un diagnostic et des soins, et sont donc communicables au patient.
Le même critère de la finalité des documents plutôt que de leur forme avait été retenu par la cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 30 septembre 2004, pour considérer qu’étaient communicables des notes manuscrites rédigées par des médecins.

 

 

Actualité Documentaire


CONTROLEURE GENERALE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE. Isolement et contention dans les établissements de santé mentale, 2016.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie un rapport  sur « L’isolement et la contention dans les établissements de santé mentale », premier d’une collection d’analyses thématiques que le CGLPL a décidé de développer à compter de cette année.
L’hôpital psychiatrique n’est pas par définition un lieu de privation de liberté, mais il s’y trouve des patients admis sans leur consentement, dont la liberté d’aller et venir est restreinte. Et au sein de ces établissements, certaines personnes peuvent être soumises à des mesures de contrainte physique (placées en chambre d’isolement ou sous contention).
Il n’appartient pas au CGLPL d’apprécier la pertinence thérapeutique du recours à ces mesures coercitives. Mais il lui revient de s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées sans leur consentement et dans ce cadre il constate que ces pratiques leur portent une atteinte certaine, plus au moins grave, plus ou moins étendue selon les circonstances.
Les visites conduites depuis huit ans dans les établissements psychiatriques ont permis au CGLPL de dresser une série de constats et de recommandations, présentés dans ce rapport.

CONFERENCE NATIONALE DES PRESIDENTS DES COMMISSIONS MEDICALES D'ETABLISSEMENT DES CENTRES HOSPITALIERS SPECIALISES, Principes généraux concernant les pratiques d'isolement et de contention en psychiatrie, 2016
Alors que le contrôleur général des lieux de privation de liberté publie un rapport sur l’isolement et la contention en psychiatrie, la Conférence nationale des présidents des commissions médicales d’établissement des centres hospitaliers spécialisés (CME-CHS) pose 12 "Principes généraux concernant les pratiques d’isolement et de contention en psychiatrie."

CONTROLEURE GENERALE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE. Rapport d'activité 2015, 2016
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie son rapport d’activité pour 2015, le deuxième depuis sa nomination en juillet 2014. Il s’agit du huitième rapport annuel depuis la création de l’institution en 2008.

 

Veille législative & réglementaire

 

Décret n° 2016-726 du 1er juin 2016 relatif à la commission des usagers des établissements de santé
Le décret fait évoluer les missions et la composition de la commission des usagers des établissements de santé.
Il modifie d'une part les attributions de la commission des usagers en prévoyant qu'elle soit informée des actions correctives mises en place en cas d'événements indésirables graves, qu'elle puisse les analyser, qu'elle recueille les observations réalisées par les associations conventionnées intervenant dans l'établissement et qu'elle puisse proposer un « projet des usagers ».
D'autre part, le décret modifie la composition et le fonctionnement de la commission des usagers en prévoyant que le président soit élu parmi les représentants des usagers, des médiateurs ou le représentant légal de l'établissement.
Enfin, le décret définit l'organisation de l'élection de la présidence de la commission des usagers et de désignation du vice-président.

 

Veille jurisprudentielle

 

Cour de cassation, 10 février 2016 :

La cour considère qu’il peut être mis fin au programme de soin sur le seul fondement que la mesure SDRE sous forme de programme de soin ne permet plus de dispenser au patient les soins adaptés, sans qu’il y ait lieu de constater de nouveaux actes de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter atteinte à l’ordre public.

CAA de Bordeaux, 8 décembre 2015 :

Le tribunal administratif est compétent pour se prononcer sur la légalité du refus de visite opposé par un établissement psychiatrique à un membre de la famille du patient en raison de l’état de santé du patient. En l’espèce, le juge administratif constate que l’interdiction de visite est justifiée au regard de l’état de santé du patient et que sa courte durée  constitue une atteinte proportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant.
 

Cour de Cassation, 18 Mai 2016 :

La cour confirme la condamnation pénale d’un centre hospitalier pour homicide involontaire (30 000 euros d’amende dont 20 000 avec sursis) en considérant que le directeur n’a pas accompli toutes les diligences normales qui lui incombaient en vue d’ordonner des recherches complètes et effectives sur la zone de chantier proche de la chambre d’une patiente disparue atteinte de la maladie d’Alzeimer. Cette faute de négligence est reconnue comme étant à l’origine du décès de la patiente.

 

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Direction de la publication : Raphaël BOUCHARD, directeur
Rédaction : Florence HITIER-BRANDEL, juriste
Réalisation technique : Elise MEUNIER, documentaliste



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