Le
partage d’informations à caractère secret est une des exceptions légalement
prévues à l’obligation de secret imposée aux professionnels.
Parfois dénommé à tort « secret partagé », le partage
d’informations à caractère secret est encadré par
l’article L.1110-4 du code de la santé publique. L’expression de
secret partagé utilisée pour recouvrir cette notion est incorrecte
car les textes ne prévoient que le partage de certaines
informations à caractère secret et non le partage de toutes les
informations de manière indifférenciée.
D’autres
dispositifs prévus par les textes, non détaillés ici, permettent de
lever le secret médical ou le secret professionnel, notamment les
dispositifs spécifiques permettant la révélation d’information aux
autorités judiciaires, ou ceux visant à apporter son concours à la
protection de l’enfance, etc…
La loi
du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
réaffirme le principe de respect de la vie privée ; cette loi
et ses décrets d’application modifient et précisent dans le même
temps les conditions et les modalités de partage des informations à
caractère secret.
Depuis
la loi du 26 janvier 2016, les modalités de ce partage
d’information ne différencient plus le partage selon qu’il a lieu
au sein d’un établissement de santé et hors établissement de santé,
mais entre équipe de soins et hors équipe de soins. Certaines
spécificités s’appliquent également au partage ou à l’échange
d’information entre professionnels de santé et non-professionnels
de santé du champ social et médico-social.
L’article
L.1110-12 du code de la santé publique définit ainsi l’équipe de
soin : il s’agit d’un ensemble de
professionnels qui participent directement au profit d'un même
patient à la réalisation d'un acte diagnostique, thérapeutique, de
compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de
prévention de perte d'autonomie, ou aux actions nécessaires à la
coordination de plusieurs de ces actes, et qui :
1° Soit
exercent au sein d’une même structure (établissement public de
santé, et autres structures médico-sociales ou de coopération
listées à l’article D.1110-3-4 du CSP)
2° Soit se
sont vu reconnaître la qualité de membre de l'équipe de soins par
le patient qui s'adresse à eux pour la réalisation des
consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a
confié sa prise en charge ;
3° Soit
exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de
santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques
conformes à un cahier des charges (cf arrêté du 25 novembre 2016)
Le développement des structures
de type GHT, GCS et GCSMS induit une conception très extensive
de la notion d’équipe de soins.
CONDITIONS DU PARTAGE
D’INFORMATIONS :
Plusieurs conditions sont requises pour
partager des informations à caractère secret :
ü
Participer à la
prise en charge du patient
ü
N’échanger que
les informations strictement nécessaires à la coordination ou à la
continuité des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et
social
ü
Ne pas faire
l’objet d’une opposition du patient
ü
Faire partie de
l’une des deux catégories de professionnels ci-dessous.
Catégories de professionnels :
1)
PROFESSIONNELS
DE SANTE = catégorie définie à la 4ème
partie de la partie législative du CSP Il s’agit des professionnels
médicaux (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme), professionnels
de la pharmacie (pharmacien, préparateur en pharmacie), auxiliaires
médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues,
ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophoniste, orthoptiste,
manipulateur radio, technicien de laboratoire, prothésiste,
opticien, diététicien), aides-soignants, auxiliaires de
puériculture, ambulanciers, assistants dentaires.
Il faut
noter ici que les psychologues n’y figurent pas expressément.
2)
NON
PROFESSIONNELS DE SANTE DU CHAMP SOCIAL ET MEDICO-SOCIAL
= Catégorie définie à l’article R1110-2 CSP, comprenant les 9
sous-catégories suivantes :
-
Assistants de
service social
-
Ostéopathes,
chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes non
professionnels de santé par ailleurs, aides médico-psychologiques
et accompagnants éducatifs et sociaux
-
Assistants
maternels et assistants familiaux
-
Educateurs et
aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils
collectifs de mineurs
-
Particuliers
accueillant des personnes âgées ou handicapées
-
Mandataires
judiciaires à la protection des majeurs
-
Non
professionnels de santé salariés des établissements et services
sociaux et médico-sociaux et lieux de vie et d'accueil de mineurs
ou d’adultes,
-
Non
professionnels de santé mettant en œuvre la méthode MAIA
-
Non
professionnels de santé membres de l'équipe médico-sociale
compétente pour l'instruction des demandes d'APA
ORGANISATION DU PARTAGE
D’INFORMATIONS :
Entre professionnels appartenant à
une même équipe de soins, au sein d’une même catégorie
|
Partage d’information large.
Les informations sont réputées
confiées par le patient à l’ensemble de l’équipe de soins.
Information préalable du patient sur
l’existence du partage d’information (droit d’opposition du
patient)
|
Article L.11110-4 III al 1CSP
|
Entre professionnels appartenant à
une même équipe de soins, mais appartenant à une catégorie
différente (entre professionnels de santé d’une part et non
professionnels de santé du champ social et médico-social d’autre
part)
|
Obligation d’information préalable du
patient sur l’existence d’un partage d’information (droit
d’opposition du patient)
Partage d’information strict, limité au seul périmètre des
missions du professionnel
|
Article L.1110-4 III al 1 CSP
Article R.1110-1 CSP
Article R.1110-3 II CSP
|
Entre professionnels de santé
n’appartenant pas à une même équipe de soins
|
Partage d’information dans les
conditions suivantes :
-
information préalable du patient (et de son
représentant légal), avec remise d’un document écrit
d’information précisant les catégories d’informations à partager,
les catégories de professionnels concernés, la nature des
supports utilisés, les mesures de sécurités prises concernant
l’accès aux données, et les droits
-
consentement préalable (ou de son représentant
légal), le cas échéant dématérialisé
|
Article L.1110-4 III al 2 CSP
Article D1110-3-1 CSP
|
Entre professionnels de santé d’une
part et non professionnels de santé du champ social et
médico-social d’autre part, tous deux n’appartenant pas à une
même équipe de soins
|
Pas de partage d’information
possible, uniquement un échange d’information limité.
Il n’y a donc pas de support utilisé
en commun par ces professionnels.
Obligation d’information préalable du
patient sur la nature de l’information à échanger, ainsi que sur
l’identité et la catégorie du destinataire, ou sa qualité au sein
de sa structure.
L’échange porte uniquement sur le
périmètre de la mission du professionnel.
|
Article L.1110-4 III al1 CSP
Article R.1110-3 I CSP
|
Dans
tous les cas, le patient est dûment informé de son droit d’exercer
une opposition à l’échange et au partage d’informations le
concernant. Il peut exercer ce droit à tout moment.
Lorsque
le partage d’information requiert un consentement du patient (ou de
son représentant légal), celui-ci est recueilli par tout moyen, y
compris de façon dématérialisée, sauf en cas d’impossibilité ou
d’urgence. Dans ce dernier cas, le consentement est recueilli
lorsque la personne devient en capacité ou en situation d’y
procéder. Il en est fait mention dans le dossier médical.
(cf décret n°2016-1249 du 26/09/2016)
Le
consentement peut être retiré à tout moment, par tout moyen. Il est
limité à la durée de prise en charge de la personne.
L’une
des traductions concrètes du partage d’information s’opère au travers
du dossier médical partagé (DMP). Les conditions et
modalités de création et de mise en œuvre du dossier médical
partagé sont encadrées par l’article 96 de la loi du 26 janvier
2016 et par le décret n°2016-914 du 4 juillet 2016 (codifiés aux
articles L.1111-14 à L.1111-24 du CSP et R.1111-26 à R.1111-43 du
CSP).
Le DMP
est un dossier numérique sécurisé distinct du dossier tenu par
l’établissement ou le professionnel de santé. Il est créé sous
réserve du consentement exprès et éclairé du patient ou de son
représentant légal et n’est accessible qu’au titulaire et aux
professionnels de santé. Le médecin traitant dispose
systématiquement d’un droit d’accès au DMP. Le titulaire peut
décider à tout moment de clôturer son DMP ; il peut également
interdire l’accès à des informations contenues dans son DMP à
certains professionnels de santé identifiés.
Il est
intéressant de noter, notamment pour la psychiatrie, qu’un
professionnel de santé qui verse une information sensible sur
l’état de santé d’un patient au DMP peut suspendre à l’accès par le
titulaire à cette information tant qu’elle ne lui a pas été
délivrée avec l’accompagnement d’un professionnel de santé lors
d’une consultation d’annonce. Sans consultation au-delà d’un mois,
cette information devient cependant accessible au patient.
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