La Brève Juridique
du Centre Hospitalier de Cadillac

1er TRIMESTRE 2017

 

FOCUS : Le partage d’informations à caractère secret

 

Le partage d’informations à caractère secret est une des exceptions légalement prévues à l’obligation de secret imposée aux professionnels. Parfois dénommé à tort « secret partagé », le partage d’informations à caractère secret  est encadré par l’article L.1110-4 du code de la santé publique. L’expression de secret partagé utilisée pour recouvrir cette notion est incorrecte car les textes ne prévoient que le partage de certaines informations à caractère secret et non le partage de toutes les informations de manière indifférenciée.

D’autres dispositifs prévus par les textes, non détaillés ici, permettent de lever le secret médical ou le secret professionnel, notamment les dispositifs spécifiques permettant la révélation d’information aux autorités judiciaires, ou ceux visant à apporter son concours à la protection de l’enfance,  etc…

La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé réaffirme le principe de respect de la vie privée ; cette loi et ses décrets d’application modifient et précisent dans le même temps les conditions et les modalités de partage des informations à caractère secret.

Depuis la loi du 26 janvier 2016, les modalités de ce partage d’information ne différencient plus le partage selon qu’il a lieu au sein d’un établissement de santé et hors établissement de santé, mais entre équipe de soins et hors équipe de soins. Certaines spécificités s’appliquent également au partage ou à l’échange d’information entre professionnels de santé et non-professionnels de santé du champ social et médico-social.

L’article L.1110-12 du code de la santé publique définit ainsi l’équipe de soin : il s’agit d’un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d'un même patient à la réalisation d'un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d'autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes, et qui :

1° Soit exercent au sein d’une même structure (établissement public de santé, et autres structures médico-sociales ou de coopération listées à l’article D.1110-3-4 du CSP)

2° Soit se sont vu reconnaître la qualité de membre de l'équipe de soins par le patient qui s'adresse à eux pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge ;

3° Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges (cf arrêté du 25 novembre 2016)

Le développement des structures de type GHT, GCS et GCSMS induit une conception très extensive de la notion d’équipe de soins.

 

CONDITIONS DU PARTAGE D’INFORMATIONS :

Plusieurs conditions sont requises pour partager des informations à caractère secret :

ü  Participer à la prise en charge du patient

ü  N’échanger que les informations strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et social

ü  Ne pas faire l’objet d’une opposition du patient

ü  Faire partie de l’une des deux catégories de professionnels ci-dessous.

 

Catégories de professionnels :

1)    PROFESSIONNELS DE SANTE = catégorie définie à la 4ème partie de la partie législative du CSP Il s’agit des professionnels médicaux (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme), professionnels de la pharmacie (pharmacien, préparateur en pharmacie), auxiliaires médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophoniste, orthoptiste, manipulateur radio, technicien de laboratoire, prothésiste, opticien, diététicien), aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, assistants dentaires.

Il faut noter ici que les psychologues n’y figurent pas expressément.

2)    NON PROFESSIONNELS DE SANTE DU CHAMP SOCIAL ET MEDICO-SOCIAL = Catégorie définie à l’article R1110-2 CSP, comprenant les 9 sous-catégories suivantes :

-          Assistants de service social

-          Ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes non professionnels de santé par ailleurs, aides médico-psychologiques et accompagnants éducatifs et sociaux

-          Assistants maternels et assistants familiaux

-          Educateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs

-          Particuliers accueillant des personnes âgées ou handicapées

-          Mandataires judiciaires à la protection des majeurs

-          Non professionnels de santé salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux et lieux de vie et d'accueil de mineurs ou d’adultes,

-          Non professionnels de santé mettant en œuvre la méthode MAIA

-          Non professionnels de santé membres de l'équipe médico-sociale compétente pour l'instruction des demandes d'APA

 

 

ORGANISATION DU PARTAGE D’INFORMATIONS :

Entre professionnels appartenant à une même équipe de soins, au sein d’une même catégorie

Partage d’information large.

Les informations sont réputées confiées par le patient à l’ensemble de l’équipe de soins.

Information préalable du patient sur l’existence du partage d’information (droit d’opposition du patient)

Article L.11110-4 III al 1CSP

 

Entre professionnels appartenant à une même équipe de soins, mais appartenant à une catégorie différente (entre professionnels de santé d’une part et non professionnels de santé du champ social et médico-social d’autre part)

Obligation d’information préalable du patient sur l’existence d’un partage d’information (droit d’opposition du patient)

Partage d’information strict, limité au seul périmètre des missions du professionnel

Article L.1110-4 III al 1  CSP

Article R.1110-1 CSP

Article R.1110-3 II CSP

Entre professionnels  de santé n’appartenant pas à une même équipe de soins

Partage d’information dans les conditions suivantes :

-          information préalable du patient (et de son représentant légal), avec remise d’un document écrit d’information précisant les catégories d’informations à partager, les catégories de professionnels concernés, la nature des supports utilisés, les mesures de sécurités prises concernant l’accès aux données, et les droits

-          consentement préalable (ou de son représentant légal), le cas échéant dématérialisé

Article L.1110-4 III al 2 CSP

Article D1110-3-1 CSP

Entre professionnels de santé d’une part et non professionnels de santé du champ social et médico-social d’autre part, tous deux n’appartenant pas à une même équipe de soins

Pas de partage d’information possible, uniquement un échange d’information limité.

Il n’y a donc pas de support utilisé en commun par ces professionnels.

Obligation d’information préalable du patient sur la nature de l’information à échanger, ainsi que sur l’identité et la catégorie du destinataire, ou sa qualité au sein de sa structure.

L’échange porte uniquement sur le périmètre de la mission du professionnel.

Article L.1110-4 III al1 CSP

Article R.1110-3 I CSP

 

Dans tous les cas, le patient est dûment informé de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations le concernant. Il peut exercer ce droit à tout moment.

Lorsque le partage d’information requiert un consentement du patient (ou de son représentant légal), celui-ci est recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, sauf en cas d’impossibilité ou d’urgence. Dans ce dernier cas, le consentement est recueilli lorsque la personne devient en capacité ou en situation d’y procéder. Il en est fait mention dans le dossier médical. (cf décret n°2016-1249 du 26/09/2016)

Le consentement peut être retiré à tout moment, par tout moyen. Il est limité à la durée de prise en charge de la personne.

L’une des traductions concrètes du partage d’information s’opère au travers du dossier médical partagé (DMP). Les conditions et modalités de création et de mise en œuvre du dossier médical partagé sont encadrées par l’article 96 de la loi du 26 janvier 2016 et par le décret n°2016-914 du 4 juillet 2016 (codifiés aux articles L.1111-14 à L.1111-24 du CSP et R.1111-26 à R.1111-43 du CSP).

Le DMP est un dossier numérique sécurisé distinct du dossier tenu par l’établissement ou le professionnel de santé. Il est créé sous réserve du consentement exprès et éclairé du patient ou de son représentant légal et n’est accessible qu’au titulaire et aux professionnels de santé. Le médecin traitant dispose systématiquement d’un droit d’accès au DMP. Le titulaire peut décider à tout moment de clôturer son DMP ; il peut également interdire l’accès à des informations contenues dans son DMP à certains professionnels de santé identifiés.

Il est intéressant de noter, notamment pour la psychiatrie, qu’un professionnel de santé qui verse une information sensible sur l’état de santé d’un patient au DMP peut suspendre à l’accès par le titulaire à cette information tant qu’elle ne lui a pas été délivrée avec l’accompagnement d’un professionnel de santé lors d’une consultation d’annonce. Sans consultation au-delà d’un mois, cette information devient cependant accessible au patient.

 

Actualité Documentaire


Les soins sans consentement en psychiatrie : bilan après quatre années de mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011
COLDEFY Magali/FERNANDES Sarah/LAPALUS David Collab., Institut de recherche et documentation en économie de la santé, Paris, 2017, 8 p. QUESTIONS D'ECONOMIE DE LA SANTE, n°222
Réalisée à partir de données médico-administratives, cette étude analyse l’évolution du recours aux soins sans consentement en psychiatrie, depuis la mise en place de la loi du 5 juillet 2011. 92 000 personnes ont été prises en charge sous ce mode en 2015, soit 12 000 de plus qu’en 2012. Cette hausse est expliquée par plusieurs facteurs : l’extension de la durée des soins sans consentement en dehors de l’hôpital, dans le cadre des programmes de soins, et la montée en charge des soins pour péril imminent. Le dispositif de soins sur décision du directeur en cas de péril imminent est déployé de façon disparate selon les territoires.

 

Rapport d’information déposé en application de l’article 145-7 alinéa 3 du règlement par la Commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission d’évaluation de la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
ROBILIARD Denys/JACQUAT Denis, Assemblée nationale, Paris, 2017, 182 p.
Quinze recommandations autour de cinq axes (Améliorer le pilotage de la politique des soins sans consentement ; Evaluer l’efficacité des programmes de soins ; Encadrer le recours aux procédures d’urgence ; Redynamiser les commissions départementales des soins psychiatriques ; Rendre les droits du patient plus effectifs) suivent un état des lieux complet des pratiques actuelles en matière de l’admission en soins sans consentement, de la situation des patients sous contrainte et des procédures d’urgence ainsi qu’une étude de l’effectivité de l’exercice des droits des personnes admises en soins psychiatriques sans consentement : accès au droit avant l’audience, accomplissement de l’office du juge à l’audience et, au-delà de l’audience, appel à un contrôle judiciaire des conditions d’hospitalisation, et notamment des mesures d’isolement et de contention.

 

Veille législative & réglementaire

 

Décret n° 2016-1249 du 26 septembre 2016 relatif à l’action de groupe en matière de santé
Le décret précise les modalités de mise en œuvre de l’action de groupe en matière de santé. Le décret fixe la composition de la commission de médiation que le juge peut adjoindre au médiateur et précise les personnes appartenant à  des professions judiciaires auxquelles l’association portant l’action de groupe peut avoir recours pour l’assister. Il  précise également les règles de

la procédure civile ou administrative que commandent les spécificités de l’action de groupe en matière de santé, notamment au regard de l’appréciation individuelle des dommages corporels.

Décret n° 2016-1471 du 28 octobre 2016 relatif à l’information du patient sur le coût des prestations délivrées par un établissement de santé.
Le texte entre en vigueur selon des modalités calendaires arrêtées par le ministre chargé de la  santé afin  de  tenir compte de  la  montée en  charge des  systèmes d’information des  différentes catégories d’établissements et des prestations concernées, qui s’étale entre 2017 et 2021.

Décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016 portant code de déontologie des infirmiers.

Le décret énonce les devoirs des infirmiers envers les patients. Il précise les modalités d’exercice de la profession, ainsi que les rapports des infirmiers envers leurs confrères et les membres des autres professions de santé.

 

Ordonnance n°2017-29 du 12 janvier 2017 relative aux conditions de reconnaissance de la force probante des documents comportant des données de santé à caractère personnel créés ou reproduits sous forme numérique et de destruction des documents conservés sous une autre forme que numérique.

 

Veille jurisprudentielle

 

CA de Versailles, 11 octobre 2016

Une mesure SDRE prise par le préfet sur la base d’un certificat médical établi par un médecin non psychiatre de l’établissement d’accueil n’est pas régulière. Le respect de l’esprit du texte exige l’indépendance du médecin certificateur, quelle que soit sa spécialité, il doit donc s’agir d’un médecin extérieur à l’établissement.


Conseil d’Etat, 19 octobre 2016

Rappel du principe de l’obligation d’information  préalable du patient sur les risques connus des actes médicaux à pratiquer, qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

 

Avis de la CADA, 20 octobre 2016
Le motif invoqué par un ayant droit sollicitant l’accès à un dossier médical, qui souhaite savoir s’il peut être affecté des mêmes troubles psychiatriques que son parent décédé, est un motif recevable en ce qu’il permet au demandeur de faire valoir son droit à la protection de sa santé.

 

CA de Versailles, 23 novembre 2016

Le recours à la procédure SDT urgence nécessite de caractériser précisément le risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade. Le seul fait d’être connu du milieu psychiatrique et en arrêt de traitement ne caractérise pas, en soi, ce risque.

 

CAA Nantes, 30 juin 2016

La surveillance des patients doit être adaptée au risque suicidaire même lorsque l’hospitalisation est intervenue avec le consentement du patient. En l’espèce, le fait d’avoir laissé provisoirement le patient sans surveillance le temps de sa toilette, avec une partie de ses affaires personnelles dont il a usé pour se pendre dans sa chambre le lendemain de son admission, est constitutif d’un défaut de surveillance engageant la responsabilité de l’établissement.

 

 

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Direction de la publication : Raphaël BOUCHARD, directeur
Rédaction : Florence HITIER-BRANDEL, juriste



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